Semiramide, La Signora regale
Voici un enregistrement comme nous les aimons. Pendant plus d’une heure et demie, il permet
d’aller de découverte en découverte, en constatant, à chaque étape du voyage, que le monde de
l’opéra n’a décidément pas fini de nous dévoiler ses trésors.
Plutôt que d’exhumer un ouvrage oublié ou de réhabiliter le répertoire d’un chanteur illustre,
ce double CD, gravé en studio, en novembre 2013, s’attache à une personnalité ayant durablement
inspiré écrivains, peintres et musiciens: Sémiramis, reine légendaire de Babylone. En sa compagnie, nous
parcourons ainsi plus d’un siècle d’opéra, depuis Semiramide, regina dell’Assiria de
Nicola Porpora (Naples, 1724) jusqu’à Semiramis de Manuel Garcia (Mexico, 1828).
Entre les deux, on rencontre les noms de Caldara, Jommelli, Haendel, Paisiello, Francesco Bianchi, Giovan
Battista Borghi, Sebastiano Nasolini, Charles-Simon Catel (pour une danse de sa Sémiramis, Paris, 1802).
Meyerbeer et, bien sȗre, Rossini.
À l’exception de l’extrait de la Semiramide de Meyerbeer (Turin, 1819), dont il existe déjà
plusieurs enregistrements, il s’agit uniquement de premières au disque. Pour le fameux
«Bel raggio lusinghier» de Rossini, par exemple, nous découvrons ici la version autographe d’origine,
sans sa cabalette, restituée et orchestrée par Philip Gossett. Elle a l’interêt de modifier
le caractère de la reine, en lui ôtant son brillant de façade.
D’une manière générale, le parcours brosse un portrait extrêmement contrasté d’une Sémiramis
amoureuse (et souvent malheureuse !), qui, pas la grâce de nombreux écrivais et librettistes, connut une
postérité illustre – ce qu’expliquent remarquablement les textes réunis dans le
livret d’accompagnement, aussi copieux que richement illustré.
Sur ces territoires inconnues, Anna Bonitatibus et Federico Ferri trouvent immédiatement leurs marques.
Le beau timbre de mezzo, noble et chaleureux, de la première sert idéalement cette succession
d’airs trèe différents les uns des autres, avec le soutien d’une technique vocale de grande classe.
A la tête de l’Accademia degli Astrusi, jouant sur instruments d’époque, et de l’ensemble
vocal La Stagione Armonica, le second retrouve l’invention frémissante et la panache de ces opéras
de la période baroque et préromantique, au-dessus desquels Sémiramis trônait en majesté.